Charlotte Perriand, pionnière du design et femme engagée
Découvrez l’exposition de la célèbre créatrice française présentée à la Fondation Louis Vuitton, du 2 octobre 2019 au 24 février 2020.
À l’occasion du vingtième anniversaire de sa disparition, la Fondation Louis Vuitton consacre une exposition rétrospective à Charlotte Perriand, véritable figure du mouvement moderne. The Conran Shop a souhaité lui rendre hommage à travers différents événements marquants de sa vie, qui ont fait d’elle une personnalité solaire, inventive et incroyablement talentueuse.
Charlotte Perriand naît à Paris le 24 octobre 1903, d’un père tailleur et d’une mère couturière pour la haute-couture, et étudie à l’École de l’Union Centrale des Art Décoratifs de 1920 à 1925 sous la direction d'Henri Rapin. Visionnaire avant l’heure, elle participe au Salon des artistes décorateurs en 1926 et en 1927, puis au Salon d’Automne en 1927, événement au cours duquel la jeune artiste, âgée de seulement 24 ans, se distingue grâce à son œuvre en cuivre nickelé et en aluminium anodisé, « Le Bar sous le toit ». À l’origine conçu pour son appartement place Saint-Sulpice, ce mobilier métallique lui vaut de nombreux éloges pour son esprit à la fois raffiné, décontracté et innovant.
Nullement gênée par la problématique du manque d’espace et toujours désireuse d’utiliser des matériaux modernes, Charlotte Perriand agrandit visuellement l’espace en intégrant différents miroirs sur les murs et les meubles, invente une table extensible en bois et en aluminium, l’accompagne de fauteuils pivotants, et éclaire l’ensemble d’un phare de voiture en guise de luminaire.
Animée par cette passion pour l’aménagement intérieur et le mobilier, Charlotte Perriand s’intéresse de plus près à l’architecture et réussit à convaincre Charles-Édouard Jeanneret-Gris, plus connu sous le pseudonyme Le Corbusier, de l’engager dans son atelier rue de Sèvres, au côté de son associé et cousin Pierre Jeanneret. Le tandem mythique la charge alors de l’élaboration du programme « des casiers, des sièges et des tables » et de la création du mobilier de leurs constructions.
De 1927 à 1937, elle travaille avec eux sur des projets grandioses, et équipe notamment de somptueuses demeures, comme la villa du banquier La Roche dans le 16e arrondissement ou encore celle de la famille Church à Ville d’Avray. Le trio partage un équilibre parfait : ils construisent, elle conçoit l’aménagement ; avec comme directive de ne jamais dissocier l’intérieur de l’extérieur.
« La fonction crée l’objet », telle était la règle d’or que Charlotte Perriand tenait à appliquer pour chacune de leurs créations empreintes de rigueur et de minimalisme.
À leur côté, elle imagine des espaces modulables visionnaires et revoit notamment la circulation des corps d’une pièce à l’autre, en essayant continuellement de réduire les cloisons ou de les remplacer par du mobilier.
Ensemble, ils conçoivent en 1928, une chaise longue révolutionnaire, dotée d’un réglage continu et d’une sublime structure en acier. Archétype même de la chaise longue, ce modèle avant-gardiste, surnommé par ses créateurs « La Machine à repos », deviendra quelques années plus tard une icône du design pour l’époque et une pièce prisée des collectionneurs aujourd’hui. Sa forme élégante épouse la forme du corps et offre un confort des plus agréables. Elle sera plus tard baptisée « LC4 » par la maison d’édition italienne Cassina.
À l’issue de ces dix années de collaboration et en pleine période de guerre, Charlotte Perriand quitte la France et s’envole pour le Japon en 1940 et devient alors conseillère officielle en design industriel à la suite de la demande du ministère impérial du Commerce. Son voyage au pays du Soleil Levant, censé ne durer que six mois, la fera rester six ans. Elle y découvre un art de vivre, un minimalisme, une simplicité qui la bousculent et qui lui permettent de s’enrichir professionnellement. De plus, elle étudie de nouvelles façons de travailler les matériaux et apprend différentes techniques locales d’ébénisterie et de tissage. Soucieuse de s’adapter à son environnement, elle allège notamment la fameuse Chaise Longue à l’aide de bambou, marquant ainsi le début de l’ouverture du design sur le monde.
Entre 1957 et 1963, l’artiste aventurière et pleine d’idées poursuit ses travaux d’aménagement d’intérieur en imaginant de nouvelles agences pour Air France à Rio, Tokyo, Osaka, Brasilia et Londres.
Son amour pour la montagne et la démocratisation des sports d’hiver la pousse dans les années 60 à collaborer sur de nombreux projets d’envergure dans les Alpes, avec notamment la construction et l’aménagement de plusieurs stations de ski.
Pendant vingt ans, Charlotte Perriand travaille sur la station des Arcs 1600 et coordonne une équipe composée d’architectes, d’urbanistes, d’ingénieurs et de graphistes pour imaginer un ensemble d’hôtels et de résidences privées modernes, respectueux de l’environnement et visionnaires. Elle privilégie des espaces modulables, avec l’ouverture des chambres vers l’extérieur et de vastes balcons, et des bâtiments ne dépassant pas quatre étages.
Elle se charge ensuite de la station des Arcs 1800, intégrant des appartements destinés cette fois-ci à la location.
D’origine savoyarde et bourguignonne, Charlotte Perriand a toujours aimé le contact avec la nature et a souhaité intégrer continuellement des éléments naturels dans ses créations. Avec Pierre Jeanneret, elle parcourt régulièrement le littoral français à la recherche d’objets façonnés par la mer, comme des galets ou du bois flotté, et s’imprègne de l’espace extérieur qui l’entoure pour imaginer ses créations.
Femme engagée et libre, Charlotte Perriand s’est constamment tournée vers le confort de l’être humain ; en particulier celui des femmes, pour leur faciliter la vie quotidienne. En effet, à Marseille elle imagine avec Le Corbusier la cuisine intégrée ouverte sur l’espace de vie, ainsi que la salle de bain attenante à la chambre : des inventions simples et efficaces, qui, se révèlent aujourd’hui plus que jamais tendance et appréciées.
Bien que Charlotte Perriand figure comme l’une des personnalités phare du design du XXème siècle, toutes ces années de projets révolutionnaires et pharaonesques ne lui ont été reconnues, à tort, que récemment.
Longtemps dans l’ombre de Le Corbusier, l’ambitieuse créatrice s’est éteinte le 27 octobre 1999 à 96 ans. Vingt ans plus tard, sa fille Pernette Perriand, co-commissaire de l’exposition, a tenu à lui rendre hommage et justice à travers cette rétrospective dûment méritée.
« Ni architecte, ni décoratrice, ni designer : en fait, je suis une marginale, je me sens en dehors. » - Charlotte Perriand
« Le monde nouveau de Charlotte Perriand »
Fondation Louis Vuitton
8, avenue Mahatma Gandhi, 75116 Paris (Bois de Boulogne)
du 2 octobre 2019 au 24 février 2020